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19.7.23

Petite histoire du jeu d'échecs moderne. 4ème partie. 1975-2000. L'ère des K. Magouilles, politiques et gros sous.

 Je continue ma sage après les trois premiers épisodes, sur l'histoire du jeu d'échecs. Aujourd'hui, j'aborde le dernier quart du vingtième siècle, marqué par la domination de deux hommes et par les magouilles en tous genres.

K contre K. L'apparatchik contre le dissident.


En avril 1975, Anatoli Karpov devient champion du monde par forfait de Bobby Fischer. L'Américain a disparu de la circulation et il vit en ermite, de manière plus ou moins marginale, du côté de la Californie.

Karpov aimerait bien, et une partie des officiels soviétiques également, laver l'affront d'un titre gagné sans combattre. Des négociations secrètes ont lieu pour un match contre Fischer en 1976 aux Philippines. Elles ont avorté (une fuite côté soviétique ?).

Digne d'un roman d'espionnage.

Le jeune champion du monde (24 ans en 1975) joue et gagne. Mais un compatriote comprend qu'il ne pourra prendre sa place tant qu'il restera en URSS : Viktor Kortchnoi (1931-2016). Les critiques acerbes de son match lui ont valu des sanctions -levées à la demande de Karpov qui ne voulait pas que ses performances soient dévaluées par l'absence de son adversaire-. Une seule solution apparaît aux yeux de Kortchnoi : fuir. Il organise patiemment sa fuite : il laisse à ses amis occidentaux ses livres les plus précieux. Puis en juillet 1976, il profite du tournoi IBM d'Amsterdam pour demander l'asile politique. Si des grands-maitres soviétiques ont déjà fait défection, Kortchnoi est celui dont le statut est le plus élevé à l'avoir fait. Poursuivi par le KGB, il est obligé de se cacher. Les Soviétiques demandent même sa disqualification pour le prochain cycle du championnat du monde, sans succès. Ils boycottent même les tournois où il participe, à l'exception de ceux comptant pour le championnat du monde. Enfin, Kortchnoi est déchu de sa nationalité soviétique : il est apatride (il ne deviendra citoyen suisse que bien des années plus tard).

Kortchnoi est seul face à un système. Aux candidats, il doit d'abord affronter son ennemi Tigran Petrossian : leur précédent match (en 1974) avait été marqué par une série d'incidents et l'ancien champion du monde avait abandonné et tenté de disqualifier Kortchnoi. Cette fois, on ne se parle pas, on se regarde avec mépris et violence. Cependant, la tension est trop forte pour Petrossian qui gaffe, perd une partie et le match.

Puis à Evian, Kortchnoi retrouve un autre soviétique, Lev Polugaïevski (1934-1995). Celui-ci est moins engagé politiquement mais c'est un compétiteur dangereux. Enfin... censé. Car le début du match est une boucherie : Kortchnoi gagne 5 des 7 premières parties et se qualifie facilement. 

La finale des candidats l'oppose à Boris Spassky. L'ancien champion du monde a lui aussi des problèmes avec son pays : son mariage avec une Française n'est pas bien accepté et il doit se résoudre à des compromis (ne pas jouer pour la France) qu'il n'aime pas trop. Pour autant, à Belgrade, Kortchnoi traite Spassky comme un ennemi et sa rage de vaincre lui permet d'emporter son adversaire (Kortchnoi mène 5-0 après 10 parties). Puis le dissident perd 4 parties de suite. Finalement, Kortchnoi se ressaisit et gagne la finale par 7-4 (et 7 nulles).

Le match le plus sale de championnat du monde de l'histoire ?

Le championnat du monde opposera donc Anatoli Karpov à Viktor Kortchnoi. Les deux finalistes des candidats 1974 disputent même leur premier championnat du monde. Et la FIDE choisit Baguio aux Philippines comme théâtre de cette confrontation. Ce pays, dirigé par Ferdinand Marcos, montrait depuis des années un certain intérêt pour les échecs mais le match n'est vu par pratiquement personne, en pleine saison de la mousson. L'organisateur de ce match s'appelle Florencio Campomanès, qui devient en 1982 président de la FIDE, et qui est un ami de Karpov.

Le règlement est simple et a été inspiré par Bobby Fischer : le premier vainqueur de 6 parties est champion du monde. Les nulles ne comptent pas. Il n'y a plus l'avantage du match nul en faveur du tenant du titre.



Si j'ai intitulé ce paragraphe "pire championnat du monde', ce n'est pas en raison de la qualité des parties mais plutôt à cause des incidents qui ont émaillé le match. Parmi eux je citerai  dans le désordre:

- L'affaire des yaourts. L'équipe de Kortchnoi accuse Karpov de se faire servir des yaourts qui seraient codés.

- Les lunettes réfléchissantes de Kortchnoi.

- La poignée de main que Karpov refuse à Kortchnoi au début de la 8ème partie. Le challenger, déstabilisé, perd même la partie de rage.

- L'affaire Zoukhar : le parapsychologue soviétique est accusé d'hypnotiser Kortchnoi pendant les parties.

- L'affaire des yogis. Deux yogis viennent auprès de Kortchnoi pour lui apporter réconfort et relaxation. Mais ils font partie d'une secte anticommuniste et sont impliqués dans la tentative d'assassinat d'un diplomate indien.

- L'affaire des drapeaux : les Soviétiques refusent que Kortchnoi joue avec le drapeau suisse. On a finalement retiré les drapeaux.

Et j'en ai oublié. Le film de Richard Dembo, la Diagonale du Fou (avec Michel Piccoli), reprend une partie de ces événements.

Revenons à l'échiquier. Le match a été à rebondissement. Kortchnoi manque un mat dans la 5ème partie et Karpov ouvre le score dans la 8ème. Kortchnoi égalise dans la 11ème mais dans une journée et deux parties reprises à l'ajournement, Karpov gagne deux fois et porte l'avantage à 3-1. Il mène même 5-2 à la 27ème partie, gagnant deux parties sur des gaffes de son adversaire.

Au bord de la défaite, Kortchnoi montre une volonté incroyable : en 4 parties, il égalise à 5-5. La remontada expresse arrivera-t-elle à ses fins ? Non car Kortchnoi, trop optimiste, joue une ouverture risquée et perd la 32ème partie. Karpov devient champion du monde par 6 victoires à 5.

Kortchnoi mettra du temps à accepter sa défaite : il portera l'affaire devant les tribunaux et refusera pendant un moment d'encaisser les gains du perdant. Mais il repart au combat pour le prochain cycle, 1979-1981.

Le sort a voulu que les mêmes adversaires qu'en 1977 se présentent à lui. Petrossian, qui est vaincu, Polugaïevsky -qui pousse Kortchnoi à la prolongation-. En finale des candidats, Kortchnoi affronte un papyrologue de profession : l'Ouest-allemand Robert Hübner -avec qui j'ai eu l'occasion de dîner un soir il y a 20 ans-. Hübner pose bien des soucis à Kortchnoi : il mène deux fois. Mais il craque, perd une tour sur une fourchette et abandonne le restant du match. Kortchnoi redevient le challenger de Karpov, à  50 ans.

Merano, l'air pur et malsain du jeu d'échecs.

Le championnat du monde aura lieu cette fois à Merano. Les montagnes c'est un air vivifiant. Mais pour un tel contexte c'est malsain. Car une autre affaire pollue le match. Outre le fait que les deux joueurs ne s'adressent pas la parole ni se serrent la main, il y a la famille de Viktor Kortchnoi qui est retenue en URSS. Le fils a même été condamné à de la prison.



Le "folklore" de ces histoires devient pesant. Sur l'échiquier, le suspens n'est pas le même qu'en 1978. En gagnant 3 des 4 premières parties, Karpov montre rapidement qui est le chef. Les 6 victoires nécessaires sont atteintes à la 18ème partie (6-2 et 10 nulles). La victoire est propre. Quelques mois plus tard, la famille de Kortchnoi est libérée et rejoint le résident suisse.

Ci-dessous, un documentaire canadien (Jouer sa vie de Camille Coudari et Gille Carle), tourné en partie pendant le match. Je vous le recommande.


Un K chasse l'autre.

Même si Karpov repousse Kortchnoi et que son titre mondial n'est pas du tout remise en cause, il sait qu'une autre menace se profile. Lui aussi a un nom qui comme par K, il est né en 1963 à Bakou. Depuis 1979, le jeune Garri Weinstein -devenu Kasparov en reprenant le nom de sa mère-, est le nouveau prodige des échecs. Champion du monde junior, il est aussi champion d'URSS en 1982 et devient le numéro 2 mondial.

Lors du cycle 1982-1984, Kasparov domine largement ses adversaires mais il découvre qu'il en a un (ou des) autre(s). Vainqueur de Beliavsky, il doit affronter Kortchnoi à Pasadena en demi-finale des candidats. Or, la fédération soviétique refuse le lieu du match, ainsi que celui de l'autre demi-finale qui opposait Vassily Smyslov à Zoltan Ribli (Hongrie) qui était prévue à Abu Dhabi. La FIDE décide d'exclure les deux Soviétiques. Mais les Anglais interviennent et arrivent à organiser les deux matchs à Londres en novembre 1983.

Mais pour Kasparov, la vérité serait autre. Il estime que la FIDE et la fédération soviétique seraient de mèche pour l'empêcher d'atteindre le championnat du monde. Il est une menace trop grande pour Karpov et les autorités soviétiques n'aiment pas un garçon jeune, charismatique, au style spectaculaire, bien à l'aise (il parle couramment anglais) et issu des minorités du pays (arménien, juif).

Quoiqu'il en soit, les matchs ont bien lieu. Les Soviétiques acceptent même de dédommager Kortchnoi et de lever le boycott des joueurs soviétiques. Kortchnoi n'est plus dangereux. Quoique... dans la première moitié du match, il mène face à Kasparov (3-2). Mais la victoire du jeune prodige dans la 6è partie renverse tout le match : Kasparov gagne par 7 à 4. Dans l'autre demi-finale, Smyslov (62 ans), renverse Ribli et se qualifie pour une finale des candidats 25 ans après son dernier championnat du monde.

Les 42 ans d'écart sont trop pour Smyslov qui ne résiste pas à Kasparov (4 victoires et 9 nulles). A 21 ans, celui-ci devient le plus jeune challenger de l'histoire des échecs.

Karpov-Kasparov. Le plus grand duel de l'histoire du sport.

Jamais un tel duel n'a existé dans le sport. 144 parties de championnat du monde, 5 matchs, 18 mois de matchs et un duel médiatisé peut-être encore plus que Fischer-Spassky.

Dans l'URSS qui s'écroule, l'opposition entre l'apparatchik bien russe (Anatoli Karpov) et le jeune loup de plus en plus contestataire, symbolise les forces qui s'affrontent au crépuscule de l'empire soviétique.




En septembre 1984 commence un match qu'on prévoit long car les deux joueurs perdent très peu. Pourtant, après 9 parties, on pense que c'est plié : Karpov mène 4-0 et fait largement parlé son expérience, tout en exploitant l'inexpérience de son jeune adversaire. Connaissant la menace, Karpov ne veut pas seulement battre Kasparov, il veut le détruire, par un 6-0. Alors il attend la faute. Kasparov, lui, se retranche ; 17 parties nulles se suivent (un record). A la 27ème partie, Karpov gagne sa 5ème victoire. Les autorités claironnent qu'il va gagner. Mais Kasparov n'abandonne pas. Il gagne la 32è partie. Le match dure, dure ,dure ,il a dépassé le record d'Alekhine-Capablanca (34 parties). Karpov manque le gain dans la 41ème partie. Il n'a jamais été aussi proche de battre Kasparov pour le titre mondial. Fatigué, le champion du monde joue de plus en plus mal et Kasparov essaie d'en profiter. 47ème partie : victoire expéditive de Kasparov avec les Noirs (2-5). 48ème partie : après une interruption pour déménagement, Kasparov l'emporte encore  et remonte au score (3-5).

C'est alors que se produisent les événements suivants. Le président de la FIDE, Campomanès, décide quelques jours plus tard d'annuler le match : un nouveau aura lieu en septembre 1985 sur le score de 0-0. Scandale chez Kasparov, qui accuse la FIDE et sa propre fédération de collusion. Les deux camps accusent l'autre d'avoir fait jouer leurs relations pour arrêter le match. La réalité est qu'on ne sait pas exactement qui (au singulier ou au pluriel) a pris la décision d'arrêter le match et si Campomanès a eu "l'ordre" d'arrêter le match ou si on lui a demandé de trouver une solution.

Les deux joueurs règlent leurs comptes et se retrouvent au mois de septembre 1985 pour un match limité à 24 parties. En cas d'égalité, Karpov, champion du monde, conserve son titre. C'est Kasparov qui ouvre le feu en gagnant la 1ère partie. Il manque même de gagner la seconde. Mais Karpov s'en sort, calme le jeu et retourne la situation par deux victoires consécutives. Il semble imprimer sa marque au match jusqu'à cette terrible gaffe de la 11ème partie qui donne le point de l'égalité à Kasparov. Ce dernier inflige une correction mémorable au champion du monde dans la 16ème partie et prend un deuxième point d'avance dans la 19ème. Karpov se bat, gagne la 22è et doit gagner la 24è et dernière pour sauver le match nul et son titre. Malheureusement pour lui, il ne conclut pas son attaque et Kasparov contre et l'emporte (13-11). A 22 ans et 9 mois, il est le plus jeune champion du monde de l'histoire.

L'analyse de toutes les parties du championnat du monde 1985


Revanche et re-revanche.

Karpov avait un droit de revanche, il en fait usage. Kasparov conteste mais il n'a pas le choix. Son combat n'est plus celui du champion du monde qu'il est : il veut démonter le système en place, incarné par le président de la FIDE Campomanès. En juillet 1986, Kasparov et Karpov se retrouve pour le match revanche, disputé moitié à Londres, moitié à Leningrad. Kasparov prend l'avantage dans la partie londonienne (un point d'avance). Son avance est portée à 3 points après deux victoires après 16 parties. Karpov est sonné. Mais l'immense champion qu'il est ne renonce pas. Et il inflige un cinglant grand roque (3 défaites d'affilée) à Kasparov pour égaliser à 9,5-9,5. Chez ce dernier c'est la panique ; des accusations d'espionnage sont portées contre un des secondants, Vladimirov, qui est limogé. Mais ceci n'explique pas tout, notamment le ratage de la 18ème partie où Kasparov était gagnant. Finalement, en gagnant la 22è, Kasparov marque le point gagnant et remporte le match.

Karpov et Kasparov sont tellement au-dessus que les autres joueurs ne leur résistent pas. L'un ou l'autre accumulent les victoires en tournoi et Karpov redevient challenger de Kasparov en 1987 (En effet, le cycle avait commencé sans que le précédent fut terminé et on a reversé Karpov en finale des candidats) : le pauvre Andreï Sokolov est pulvérisé en finale des candidats et ne s'en est pas remis.

Karpov et Kasparov savent qu'ils sont forts ensemble. Pourtant, l'URSS ne domine plus autant les compétitions par équipes : en 1972, il s'en est fallu de peu qu'elle manque la victoire au profit de la Hongrie. C'est cette même Hongrie qui devance l'URSS aux Olympiades de 1978. Elle manque même de récidiver en 1980 mais l'URSS gagne au départage grâce au résultat d'un match entre la Grèce et l'Ecosse (où les Soviétiques ont aidé les Grecs à l'ajournement). En 1986, l'URSS est secouée par les Etats-Unis et surtout l'Angleterre. Il faudra un 4-0 opportun et contesté contre la Pologne pour permettre à la bande aux deux K de remporter les Olympiades.

Durant ces même Olympiades jouées aux Emirats Arabes Unis, les deux K et quelques autres grands-maitres créent la GMA (Grand Master Association) qui se veut l'équivalent de l'ATP au tennis. Elle organise de grands tournois (la Coupe du monde dont une étape a eu lieu à Belfort en juin 1988). Mais dès la deuxième édition, les dissensions entre Kasparov et la GMA font capoter le projet. Plus jamais les joueurs d'échecs ne pèseront dans l'organisation des tournois comme ils l'ont fait.

Revenons aux deux K. En octobre 1987, les voilà à Séville pour leur quatrième match. Ce n'est pas le plus beau mais il est tendu et dramatique. Dans la partie 2, Kasparov réfléchit 1h25 à une préparation de Karpov et perd. Le champion du monde, qui cherche la polémique avec la sortie d'une autobiographie, n'est pas aussi concerné et concentré. Après 22 parties, le score est de parité 11-11. Il en reste deux à jouer. La 23è est aussi compliquée que dramatique : Kasparov craque en zeitnot. Karpov mène 12-11 et il a besoin d'un match nul pour reprendre son titre. Le lendemain, Kasparov se jette dans la bataille mais habilement. Le zeitnot a failli tout gâcher mais la finale est favorable aux Blancs. Karpov, sans doute démoralisé, ne défend pas au mieux et Kasparov gagne cette partie 24 et conserve son titre au bénéfice du match nul.

Un nouveau cycle mondial commence et c'est Karpov qui le fait en entier mais qui gagne encore. Il a écarté l'Islandais Hjartarson -qui avait créé l'exploit au tour précédent d'éliminer Viktor Kortchnoi-, le Soviétique Arthur Youssoupov et le Néerlandais Jan Timman. A l'automne 1990, le cinquième match des deux K a lieu entre New York et Lyon. Les caméras de TF1 sont là pour filmer la partie lyonnaise, qu'on peut retrouver sur la vidéo suivante (avec le doublage d'Yves Rénier) :


La partie new-yorkaise est décevante : 1 victoire partout et 10 nulles. Celle de Lyon est plus active et Kasparov finit par l'emporter. Cependant, on voit les stigmates de ces matchs à répétition. Les deux joueurs se connaissent trop, sont de moins en moins imprévisibles malgré leur talent immense.


La relève...

En 1990, Kasparov est champion du monde. Un an plus tôt, il a battu le record Elo de Bobby Fischer et est le premier joueur à atteindre la barre des 2800 Elo. Sa supériorité est incontestée et même sa victoire serrée contre Karpov ne remet pas en cause sa suprématie.

Pour autant, la relève s'annonce fort. Ceux qui sont nés à la fin des années 1960 se présentent comme de futurs concurrents au titre mondial. Parmi eux Boris Gelfand, que Kasparov voit comme un challenger potentiel, Vassily Ivanchuk un pur génie , l'Indien Vishy Anand champion du monde junior 1987 et connu pour sa vitesse de réflexion. Et puis aussi cet Américain d'origine russe dont le père accuse tout le monde de vouloir briser la carrière de son fils (et qui lui-même en a été à l'origine) : Gata Kamsky. D'autres joueurs nés au début des années 1970 s'ajoutent : le Letton puis Espagnol Alexeï Shirov, le Russe Vladimir Kramnik, le Bulgare Veselin Topalov, la Hongroise Judit Polgar et le Français Joël Lautier (champion du monde junior en 1988).

La fin de l'URSS marque aussi la fin de la domination totale de la Russie mais pas de l'ex-URSS. Cependant, chez les femmes, cette domination est brisée par les soeurs Polgar et par les Chinoises. En 1991, Xie Jun bat la championne du monde Maïa Tchibourdanidze et met fin à 40 ans de domination soviétique. Les Chinoises (Xie Jun, Zu Chen, Xu Xuhua, Hou Yifan , Ju Wenjun et je dois en oublier une) mettent la main sur le titre mondial féminin à quelques exceptions près. Susan Polgar devient championne du monde mais perd son titre car, venant d'être maman, elle n'a pas la possibilité de le défendre dans les temps.

Ces joueurs ont un niveau très élevé et affrontent les "anciens" lors du traditionnel festival de Linarès. Ce tournoi rassemble les meilleurs joueurs sur invitation. Il ne s'agit pas seulement des meilleurs joueurs classés mais aussi des joueurs combatifs. Pour son organisateur, Luis Rentero, pas de nulle rapide, du combat à mort dans l'arène andalouse. Et en 1991 c'est la sensation. Déjà vainqueur en 1989, Ivanchuk s'impose devant Kasparov ; pire encore, il bat et Kasparov et Karpov dans le même tournoi -une première-. Pour le champion du monde, c'est la première fois en 10 ans qu'il ne termine pas premier (seul ou ex-aequo) d'un tournoi.

Ivanchuk est vu comme l'épouvantail du cycle des candidats. Mais le Soviétique craque contre Arthur Youssoupov et révèle son grand faible : ses nerfs qui le trahiront dans sa quête du titre mondial. Karpov, lui, s'en sort de justesse contre Anand. Il doit affronter en demi-finale des candidats l'Anglais Nigel Short au printemps 1992. A la surprise presque générale, Short bat Karpov 6-4 et évite un 6è match entre les deux K. Kasparov se réjouit ouvertement. Est-ce le début de la fin pour Karpov (41 ans) ?

Sur sa lancée, Short écarte Timman en finale des candidats et devient challenger de Kasparov.

En septembre 1992, 20 ans après sa victoire, Bobby Fischer refait surface en Yougoslavie, en pleine guerre, pour un lucratif match revanche contre Boris Spassky. Ce match hors du temps donne une bien mauvaise image du champion américain, aigri et agressif. Cela lui a coûté de ne plus pouvoir revenir sur le sol américain et de mener une vie errante jusqu'à sa mort. Un destin tragique pour un personnage bien difficile à appréhender.

La scission.

En réalité, Kasparov n'a pas trop à craindre de Short mais il trouve l'occasion proposée par ce dernier de porter un coup fatal à la FIDE. Mécontents des conditions du match, ils cherchent et trouvent de nouveaux partenaires pour organiser leur championnat du monde. Furieuse, la FIDE les exclut mais le match Kasparov-Short a lieu : comme prévu, Kasparov domine facilement Short 12,5-7,5.

Pour autant, la FIDE doit sauver les meubles. Alors elle requalifie les deux battus par Short. Timman et Karpov jouent un match entre les Pays-Bas et la Malaisie, un peu à l'arrache. Karpov l'emporte facilement contre un adversaire qu'il a souvent dominé. Ainsi, comme en boxe, on a deux champions du monde. Un d'une fédération plus ou moins disqualifiée (Karpov), l'autre d'une organisation professionnelle privée (la PCA) qui reste au service de Kasparov.

La PCA a eu le mérite d'organiser des tournois rapides, à l'instar de ce qui avait été créé au début des années 1990 à Paris (le trophée Immopar). Elle a aussi son propre cycle. Pour le cycle 1994-1995, c'est Vishy Anand qui sort vainqueur pour affronter Kasparov. De son côté, la FIDE organise le sien où le champion du monde est reversé en demi-finale. Karpov et l'Américain Gata Kamsky sont les finalistes. A l'été 1996, Karpov est trop fort pour Kamsky. Celui-ci en plein doute se retire du jeu professionnel.

La réunification n'est pas en route. Avec un nouveau président Iloumjinov, la FIDE veut dépoussiérer le championnat du monde et l'organiser en séries de matchs de 2 parties. La formule est radicale mais contestée pour un titre mondial. Karpov gagne une édition où il est largement favorisé (il n'a pas eu à jouer que la finale alors que son adversaire Anand a dû passer des tours et des tours) ,puis c'est Khalifman (Russie) qui gagne en 1999.

Quant à Kasparov, il se cherche des défis et des sponsors. L'ordinateur en est un : il bat Deep Thought en 1996 mais il perd contre Deep Blue en 1997 en jouant une variante déjà réputée pour être perdante. Les sponsors ne viennent pas à son nom automatiquement. Kasparov fait organiser un match des candidats entre Kramnik et Shirov pour désigner son challenger. A sa grande déception, c'est Shirov qui l'emporte 2-0 contre celui qui fut l'élève de Kasparov. Qu'importe, Shirov a un score trop mauvais pour rendre le match intéressant. C'est le vaincu qui pourra avoir le droit de l'affronter...

Malheur au vainqueur...


A suivre.





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