Tata Steel Wijk aan Zee. Un Tata "style"

 Prenez quelques joueurs de l'élite mondiale, opposez-les à de jeunes loups avides de succès et vous obtenez un tournoi spectaculaire, qui s'est même terminé en blitz. Voici ce qu'a été l'édition du Tata Steel 2024, qui s'est disputée à Wijk aan Zee aux Pays-Bas.

Un Masters qui se finit à 4.

Dans le tournoi principal, 4 joueurs ont fini en tête avec 8,5 points sur 13. Personne n'a été invaincu dans ce tournoi ; personne n'a été sans victoire non plus.

Au final, l'Indien Gukesh, le Chinois Wei Yi, le Néerlandais Giri (vainqueur de l'édition 2023) et l'Ouzbek Abdusattorov (2e en 2023) ont terminé premiers. Il a fallu les départager par un tournoi de blitz. C'est donc Wei Yi qui s'est arraché en éliminant Abdusattorov en demi-finale et puis Gukesh en finale. A 24 ans, le Chinois remporte la plus belle victoire de sa carrière.

Celle-ci n'a pas été de tout repos. A 15 ans, il était un joueur très prometteur, au style très agressif, qu'on attendait au plus haut niveau. Puis il a disparu des tournois, pour poursuivre des études notamment. De retour à la compétition, il l'emporte dans un des tournois majeurs de la saison et rentre dans le top 10 mondial (9e). De quoi nourrir de nouvelles ambitions ?

Derrière le quatuor de tête, nous avons à un point, un trio de candidats au titre mondial : les Indiens Vidit et Pragghanaandha et le Français Alireza Firouzja. Celui-ci, comme les autres a fait le spectacle dans les deux sens. Il a battu les deux finalistes du dernier championnat du monde, mais a perdu contre la championne du monde Ju Wenjun et l'Allemand Donchenko -qui ont fini tous les deux à 4,5/13-. Alireza "passe ou ça casse" n'a pas la solidité d'un joueur qui peut être champion du monde mais il a l'état d'esprit pour gagner, qui fait de lui, un joueur qu'on veut inviter dans les tournois.

Dans ce tournoi, il n'y avait pas de touriste... quoique. On peut s'interroger sur la prestation de Ian Nepomniachtchi (-10 points Elo). Le double vice-champion du monde a joué ce tournoi pour préparer le prochain tournoi des candidats. Mais force est de reconnaître qu'il n'a pas impressionné : 6,5/13 avec une défaite contre Firouzja entre autres.

Quant au champion du monde, Ding Liren (-18 points), on attendait son retour depuis le mois de mai et son tournoi désastreux à Bucarest -avec de larges circonstances atténuantes car il venait une semaine après son championnat du monde-. Avec 6/13 (2 victoires, 3 défaites et 8 nulles), le Chinois réalise une des pires prestations d'un champion du monde qui inaugure son titre. Beaucoup de questions se posent à son égard et il faut espérer qu'il surmonte ses problèmes et qu'il retrouve un niveau de jeu plus conforme à son statut et au joueur qu'il était avant la crise de la Covid.

La championne du monde, Ju Wenjun, elle a souffert dans ce tournoi. Mais elle a bien performé et a gagné 10 points Elo, qui lui font atteindre la barre des 2600 Elo : elle a battu Firouzja, a fait nulle contre Ding Liren. Et si elle a perdu plusieurs parties, elle a souvent mené la vie dure à ses adversaires masculins. Inviter la championne du monde est une bonne idée des organisateurs du Tata Steel, qui ont donné au tournoi Masters une connotation très asiatique (9 joueurs sont issus de pays de la zone asiatique plus Firouzja qui est d'origine iranienne).

Le Challengers. Marc'Andria près de l'exploit.

10e Elo du tournoi, Marc'Andria Maurizzi a failli gagner le Challengers, qui l'aurait qualifié pour le Master 2025. Le champion du monde junior français, était en tête à deux rondes de la fin, avec 1 point d'avance sur l'Indien Mendonca. Mais Maurizzi est tombé sur le grand-maître belge Daniel Dardha, qui  l'a battu. Mendonca rattrape le Français à l'avant-dernière ronde ; et il gagne l'ultime partie alors que Maurizzi doit se contenter de la nulle avec les Noirs.

Déception donc mais pas totalement : une deuxième place à égalité avec Dardha avec 9/13 (7 victoires, 4 nulles, 2 défaites) et un gain de 25 points Elo, qui le rapproche des 2600 Elo (il en est à 2597 après le tournoi). Contrat plus que réussi.