Samedi 13 janvier débute le premier grand tournoi de l'année à Wijk aan Zee aux Pays-Bas. Le Tata Steel Chess revendique un héritage, celui d'un tournoi créé dans les années1930, qui rassemble quelques-uns des meilleurs joueurs du monde mais aussi de jeunes espoirs prometteurs. C'est aussi un tournoi qui ne rompt pas avec la tradition : celui des tournois "longs" (13 rondes alors que la norme est de 9).
Cette édition 2024, 86e du tournoi, se disputera en l'absence des deux meilleurs joueurs du monde, Magnus Carlsen et Fabiano Caruana. Mais il marque le retour à la compétition du champion du monde, le Chinois Ding Liren, absent depuis juin et son tournoi désastreux à Bucarest, qui avait suivi d'une semaine sa victoire au championnat du monde.
La tradition.
Comme je l'ai écrit en introduction, le Tata Steel Chess est le dernier grand tournoi classique qui s'étale sur plus de deux semaines. Jusqu'aux années 2000, la majorité des tournois comptait 11,13, 15 rondes et même plus avant. Aujourd'hui, place aux formats courts : 9 rondes, ce qui ne favorise pas la prise de risque -une défaite peut plomber tout le tournoi-.
Le débat sur la cadence de jeu a mis aussi la pression sur les organisateurs pour la modifier. Très attachés au rythme des parties longues, ils ont néanmoins apporté une petite modification pour raccourcir la durée des parties. Mais il n'empêche qu'il faut encore raccourcir, au moins en supprimant le contrôle du temps au 40e coup et ne rajouter du temps qu'au 60e. Avec le niveau des préparations, les parties commencent le plus souvent aux alentours des 15-20 coups.
Pas de Magnus Carlsen, 8 fois vainqueur mais le vainqueur de l'an passé, le Néerlandais Anish Giri, défendra son titre sur ses terres. Les Bataves seront bien présents dans ce tournoi à 14 joueurs : outre Giri, son ami Jordan Van Foreest -vainqueur en 2021- sera de la partie, ainsi que Max Warmerdam (2625 Elo, qualifié par le Challengers).
Enfin le champion du monde est revu devant l'échiquier. Ding Liren (4e mondial et meilleur Elo du tournoi) a, sans doute, connu le surmenage après sa victoire. Il était devenu le champion du monde fantôme sans qu'on sache véritablement s'il était capable de revenir. Même s'il annonce qu'il ne sera pas au maximum de ses moyens, il est important de savoir ce que Ding peut nous montrer. Je suis un peu dur avec lui car il a l'air tellement gentil et humble. Mais on veut voir le champion du monde à l'œuvre et en bonne forme.
5 joueurs à suivre. Préparation ou pas ?
Si la présence de Ding est importante, on se focalisera aussi sur 5 joueurs : 5 participants au prochain tournoi des candidats, qui aura lieu en avril à Toronto. Il s'agit du vice-champion du monde le Russe Ian Nepomniachtchi, du Français Alireza Firouzja (qualifié au Elo après une improbable épopée de fin d'année) et des Indiens Pragghnanandhaa, Vidit et Gukesh (qui d'ailleurs auront curieusement 7 fois les Blancs contre 6 à Nepo et Firouzja). On peut se tournoi, au moins pour le premier, qu'ils ne donneront pas tout dans ce tournoi, même si on est à 3 mois des candidats. Mais Nepo a trop tendance à jouer au touriste et il serait bon de se remettre à jouer avec plus d'envie et à ne pas trop se réserver pour le tournoi des candidats. Pour Firouzja, 2023 a été une année difficile : difficile car il faut retrouver la motivation et l'envie d'être le meilleur. Sa volonté d'aller chercher une place aux candidats est bon signe : pour y arriver, il est allé disputer un modeste open à Rouen et a gagné ses 7 parties sur commande, ce qui n'est jamais évident même pour un joueur de sa classe.
Des espoirs asiatiques aux dents longues et une championne du monde.
La Chine n'a pas envoyé seulement le champion du monde : la championne du monde, Ju Wenjun sera aussi de la partie. La tâche sera difficile pour elle car elle a le plus faible Elo et de loin mais elle a l'occasion de se frotter aux meilleurs. Notons qu'après Hou Yifan, contre Magnus Carlsen à trois reprises, c'est la deuxième fois qu'une championne du monde en titre affrontera un champion du monde en titre dans un tournoi. Un autre Chinois, Wei Yi, participe aussi.
Sinon, la liste des participants est prometteuse : outre les Néerlandais, nous avons l'Ouzbek Abdusattorov qui a failli gagner l'an passé. En effet, il menait avant la dernière ronde, mais perd avec les Blancs contre Van Foreest, qui permit à Giri de l'emporter. Puis nous avons aussi l'Allemand Donchenko et l'Iranien Maghsoodloo. Au passage, les grandes nations asiatiques sont bien présentes : l'Inde et la Chine ont 3 représentants, l'Iran un plus un second si on compte Firouzja. L'Ouzbékistan, championne olympique rappelons-le, en a un autre. Et la Russie, qui fait partie des nations sportives asiatiques, un.§
Un mot sur le Challengers.
Gagner le Challengers permettra de participer au tournoi principal. Et la France y est présente avec notre champion du monde junior, Marc'Andria Maurizzi. Loin d'être favori (il a le 10e Elo sur 14), son objectif sera de se rapprocher de la barre des 2600 Elo (il en a 2572) alors qu'il a 16 ans. A cet âge, les progressions peuvent être rapides. Le favori du tournoi est l'Américain Hans Niemann. Barré des invitations à cause de l'accusation de Carlsen de tricherie, il peut enfin participer à un gros tournoi et espérer repasser la barre des 2700 Elo. En fin d'année 2023, il avait réussi un super tournoi en Croatie mais, fatigué par son exploit, il n'avait pu enchainer au London Chess Classic, qui débutait deux jours après sa victoire.
On peut aussi souligner la participation de deux Belges : Daniel Dardha, vainqueur de la BCup 3, et Stefan Beukema. Deux joueuses participent aussi : l'Indienne Dronavalli et la Néerlandaise Roebers. On rappelle que les échecs sont un sport mixte et que le débat sur la mixité des tournois et des récompenses, divise toujours autant.
La première ronde commence samedi. Le tournoi se terminera le 28 janvier. Comme cela est désormais le cas, les parties sont diffusées en différé pour éviter les tricheries informatiques.
Merci pour ce petit article aux oignons concernant le tournoi de tata 😁
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