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9.4.24

New York 1924. Retour sur un des grands tournois de l'Histoire des échecs

 Du 16 mars au 18 avril 1924, soit il y a 100 ans, se disputait au Manhattan Chess Club de New York, un des plus grands tournois de l'histoire des échecs.

Je vous propose de revenir sur ce tournoi majeur, le premier super tournoi de l'après Première Guerre mondiale.

New York 1924 d'Alexandre Alekhine traduit en français - Chess.com
Livre du tournoi, réédité, écrit par Alekhine et traduit en français.

Le contexte.

En 1924, le champion du monde est le Cubain José Raul Capablanca. Il a détrôné Emmanuel Lasker trois ans plus tôt et il a déjà montré sa forme de champion du monde (victoire invaincu à Londres en 1922). Le battre est devenu impossible : personne n'a réussi à le faire depuis 8 ans.

Mais le tournoi sélectionne aussi des champions réputés pour leurs résultats et qui ont aussi quelques prétentions (quoique...). L'occasion de désigner un futur challenger au Cubain ? Non.

Les participants, par ordre alphabétique.

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En bas de gauche à droite : Yates, Capablanca, Janowski , Edward Lasket, Emmanuel Lasker
En haut de gauche à droite : Marshall, Tartacover, Maroczy, Alekhine ,Réti, Bogolioubov

Alexandre Alekhine (URSS). Vainqueur de nombreux tournois d'après guerre entre 1921 (sa meilleure année) et 1923. Même quand il ne gagne pas, il est bien classé. Il est considéré comme le numéro 3 mondial et le principal concurrent de Capablanca. Surtout que son jeu a progressé dans l'aspect positionnel.

Efim Bogolioubov (URSS). Autre émigré russe, qui a gagné quelques grands tournois en Europe dont Carlsbad en 1923. Il émerge comme un des meilleurs joueurs européens après la guerre.

José Raul Capablanca (Cuba). Champion du monde. Il est le favori du tournoi.

David Janowski (France). Un vétéran des tournois (56 ans) dont la carrière a beaucoup décliné avec la guerre. Il s'est installé aux Etats-Unis pendant la guerre et n'est pas encore rentré en France. Mais son style offensif attire toujours les amateurs.

Edward Lasker (Etats-Unis). Parmi les meilleurs joueurs américains.

Emmanuel Lasker (Allemagne). Champion du monde de 1894 à 1921, il a remporté le fort tournoi d'Ostrava en 1923 et semble déterminé à montrer qu'il n'est pas encore fini.

Geza Maroczy (Hongrie). Autre vétéran des tournois, Maroczy a été un des 5 meilleurs joueurs du monde dans les toutes premières années du siècle avant de se retirer de la compétition. Il est revenu après guerre mais à 54 ans, il est loin de son zénith.

Frank Marshall (Etats-Unis). Le local du tournoi. Joueur très populaire par son style et son état d'esprit, Marshall est un joueur qu'on aime inviter même si, à 46 ans, il n'est plus au sommet de sa gloire. Il est le fondateur du Marshall Chess Club et est champion des Etats-Unis en titre.

Richard Réti (Tchécoslovaquie). A 35 ans, il est un des meneurs de ce nouveau courant de pensée échiquéenne, qu'on appellera plus tard, "école hypermoderne". Plus penseur que joueur de compétition, ses résultats sont irréguliers mais il est incontestablement un des joueurs à suivre de son époque.

Savielly Tartakover (Pologne). Comme Réti, il fait partie de ce courant qui a une nouvelle approche du jeu d'échecs. Mais en moins théoricien. Tacticien redoutable, joueur à l'approche parfois excentrique, donneur de bons mots, il est dangereux pour tout le monde même si son jeu comporte des fragilités importantes.

Fred Yates (Angleterre). Meilleur joueur britannique, Yates n'a pas de grands résultats dans les tournois mais sa victoire contre Alekhine à Carlsbad en 1923 lui a donné un éclairage inattendu, qui a certainement incité les organisateurs à l'inviter. C'est un "client" contre qui il faut marquer des points pour gagner le tournoi mais toujours gentleman.

Cette liste de 11 joueurs aurait pu être complétée par quelques grands noms : le Polonais Akiba Rubinstein, pas aussi fort qu'avant-guerre, mais toujours au premier plan. Le Danois Aaron Nimzovitch, autre teneur du courant hypermoderne, dont les résultats sont en progrès. Ou bien encore le vétéran, l'Allemand Siegbert Tarrasch mais qui a 62 ans en 1924, et dont les prestations -sans compter la fatigue du voyage- ne le placent plus au premier plan. On aurait pu ajouter les deux maîtres autrichiens : Rudolf Spielmann (invité d'ailleurs au tournoi de New York en 1927) l'attaquant ou bien Ernst Grünfeld ; et puis aussi le Yougoslave Milan Vidmar, que les obligations professionnelles ont limité l'activité échiquéenne.


Un règlement original et curieux.

Il est convenu que les 11 joueurs s'affrontent sur deux tours, une fois avec les Blancs, une fois avec les Noirs. Un sera exempt à chaque ronde. Jusque-là, rien d'étonnant. Mais l'appariement a été des plus étonnants : 15 minutes avant la ronde, on tirait au sort les appariements. Ainsi, un joueur pouvait avoir plusieurs rondes d'affilée la même couleur (dans les tournois modernes on limite à 2 au plus et une seule fois). Ainsi, Alekhine a eu les Noirs 4 fois de suite entre les rondes 17 et 20. Emmanuel Lasker a eu 4 fois les Blancs d'affilée comme Marshall. Yates a eu même les Blancs 5 rondes d'affilée.

Le déroulement du tournoi.

Ronde 1.

Emmanuel Lasker est exempt. Deux parties sont décidées : Alekhine bat Yates avec les Noirs et Tartacover bat Bogolioubov avec les Blancs. Notons l'entrée timide de Capablanca (nulle avec les Noirs contre Janowski) 

Ronde 2.

Richard Réti est exempt. Le duel du jour oppose Emmanuel Lasker à Capablanca : nulle en 30 coups. Alekhine est l'unique vainqueur du jour et encore avec les Noirs contre Maroczy. Avec 2/2, le Russe est seul en tête devant Tartacover 1,5. Les autres sont à 1 point sauf Maroczy, Yares et Bogolioubov qui ont 0.5 point.

Ronde 3.

Au tour de Janowski d'être exempt. Le choc du jour : Alekhine-Lasker. L'Allemand contre un début un peu optimiste du leader du tournoi et remporte une belle partie en contre. Deux autres parties sont gagnées par les Blancs : Tartacover avec son traitement original du gambit du roi, qui bat Yates ; et Bogolioubov bat Marshall, le favori du public. Avec 2,5/3, Tartacover prend la tête devant Alekhine (2) et un peloton à 1,5 (dont Emmanuel Lasker et Capablanca). Le champion du monde démarre doucement le tournoi avec 3 nulles rapides. On saura après qu'il est un peu malade.

Ronde 4.

Marshall est de repos pour digérer sa défaite. Emmanuel Lasker enchaîne un deuxième succès de suite contre Janowski. Son presque homonyme (Edward) perd contre Yates. Enfin Bogolioubov enchaîne comme Lasker un deuxième gain de suite, contre Réti.
La partie du jour oppose Capablanca et Alekhine. Le champion du monde profite d'une erreur d'Alekhine au sortir de l'ouverture. Il a un clair avantage en finale. Tout le monde pense qu'il va gagner mais il joue trop négligemment et doit concéder la nulle au Russe. Alekhine raconta plus tard qu'il a tiré pas mal d'enseignements de cette partie, notamment sur la façon dont se comporte Capablanca contre une opposition déterminée. Au classement, Tartacover reste en tête avec 3/4. Il a annulé contre Maroczy après avoir commencé la partie par le coup b2-b4. Ce coup a été inspiré par une discussion avec une orang-outan nommée Susan, au zoo de New York et il a eu l'idée de jouer 1.b4 ainsi (d'ailleurs ce début porte le nom d'orang-outan NDA).

Ronde 5.

Alekhine est au repos. Mais la sensation du tournoi s'est produite : Réti bat Capablanca, qui s'est fait piéger par le Tchèque. Cette victoire met fin à 8 années d'invincibilité du Cubain. Le dernier à l'avoir battu s'appelle Oscar Chajes. Autre fait, la 3e victoire de suite de Bogolioubov (contre Maroczy) qui rejoint Tartacover en tête, lui qui a annulé contre Emmanuel Lasker (qui suit avec 3 points à un demi-point des deux premiers).

Ronde 6.

Journée faste ! 4 gains en 5 parties et la seule nulle a duré 103 coups. C'était le duel des Lasker : Emmanuel s'en est magnifiquement tiré contre Edward alors que la position semblait totalement perdue. Capablanca se réveille : dans une finale de tours devenue un classique des manuels, le Cubain bat Tartacover en sacrifiant deux pions. Il fait tomber le leader. Maroczy bat un Marshall décidément peu en forme, Alekhine se reprend contre Janowski et Réti bat Yates avec son schéma d'ouverture favori. Bogoliouvo est exempt ; on se retrouve avec 4 leaders -Emmanuel Lasker qui a une partie de moins, Bogolioubov, Tartacover et Alekhine-. avec 3,5 points. Capablanca et Réti ont 3 points.

Ronde 7.

Tartacover est absent et il perd la tête du tournoi. Comme la 6e ronde, 4 parties sont gagnées et la seul nulle (Alekhine-Marshall) a duré 62 coups. Capablanca enchaîne une victoire contre Yates, Emmanuel Lasker bat Maroczy et Réti bat l'autre Lasker. Enfin Janowski bat Bogolioubov.

Au classement Lasker mène avec 4,5 points, devant le trio Capablanca, Alekhine et Réti avec 4 points. Deux joueurs sont sans victoires : les deux représentants américains, Marshall et Edward Lasker.

Ronde 8.

Lasker bat Bogolioubov et rappelle qu'il a souvent gagné des tournois avec des écarts importants. Alekhine met fin à la série victorieuse de Réti (3 victoires toutes avec les Blancs) et se replace. Capablanca concède le nul à Maroczy. Enfin Marshall gagne une partie : c'est contre son vieux rival, David Janowski, avec qui il a ferraillé dans des matchs avant la Grande Guerre.
Yates était exempt. Lasker est toujours premier avec 5,5 devant Alekhine 5 et Capablanca 4,5 points.

Ronde 9.

Lasker chanceux. La chance a toujours été un des arguments pour critiquer le champion allemand. Mais force est de reconnaître qu'il en a eu mais qu'il l'a provoquée aussi. Par exemple, il aurait dû perdre contre Marshall ; mais l'Américain, pensant gagner un pion, rate la contre-attaque qui force la nulle. Un autre a aussi de la chance : Alekhine. Il aurait pu perdre contre Tartacover mais le Polonais n'a pas trouvé le gain. Capablanca, lui, produit une de ses meilleures parties en carrière contre Bogolioubov qui décroche au classement.

Lasker reste premier avec 6 points devant Alekhine et Capablanca avec 5,5 points. Maroczy était exempt.

Ronde 10.

Une victoire rapide pour Lasker, qui creuse l'écart après sa victoire contre Réti. En effet, ni Capablanca (nulle contre Marshall), ni Alekhine (nulle contre Edward Lasker) n'ont gagné. L'autre succès permet à Bogolioubov de repartir après 4 rondes sans marquer de point.

Lasker a 7 points, un point de plus que Capablanca et Alekhine, deux de plus que Tartacover et Réti.

Ronde 11.

Capablanca est exempt. Ce qui signifie qu'il perdra du terrain. Mais pas tant que ça : Lasker n'a pas pu battre Yates comme Alekhine a partagé le point avec Bogolioubov dans la partie entre les deux Russes émigrés. Par contre, on voit Réti rejoindre Capablanca après avoir battu Tartacover, qui perd du terrain. Enfin Maroczy bat Janowski et Marshall gagne le derby américain contre Ed Lasker.

A mi-parcours, Emmanuel mène avec 7,5 points, devant Alekhine (6,5) et le duo Capablanca-Réti (6). Bogolioubov, Marshall, Tartacover et Maroczy ont 5 points. Le dernier trio est décroché : Janowski a 3,5 points, Edward Lasker 3 et Yates 2,5.

Ronde 12.

Vainqueur de Maroczy, Lasker creuse l'écart sur des deux principaux rivaux Alekhine et Capablanca, qui ont annulé ensemble en 18 coups. L'avance de l'Allemand est d'1,5 point sur Alekhine et ... Réti, qui remporte un prix de beauté contre Bogolioubov ! Capablanca est à 2 points. Marshall était de repos.

Ronde 13.

5 parties, 5 victoires. Lasker bat Bogolioubov, Capablanca domine Maroczy. Mais surtout, Réti bat Alekhine et met un rude coup aux espoirs du Russe de gagner le tournoi. Enfin Edward Lasker perd contre Tartacover et Marshall poursuit sa remontée par un gain contre Janowski.

Lasker compte 9,5 points ; Réti suit avec 8 points, Capablanca a 7,5 points et Alekhine a 7. Marshall est 5e avec 6 points.

Ronde 14. 

Capablanca-Lasker. La partie attendue qui peut décider du sort du tournoi. Capablanca, qui joue de manière plus tranchante ce tournoi, n'hésite pas à sacrifier un fou pour trois pions. Mais Lasker s'accroche et, dans une position complexe, l'Allemand craque et abandonne au 50e coup. Le tournoi est totalement relancé. Dans le même temps, Alekhine rate sa chance contre Maroczy en perdant sa concentration parce qu'il suit la partie Capablanca-Lasker.  Bogolioubov bat Ed Lasker, Yates bat janowski et Tartacover bat Marshall. Réti est exempt.
 

Le tournoi est relancé : Lasker n'a plus qu'un point d'avance sur Capablanca (9,5 contre 8,5). Réti est à 8 points et Alekhine a 7,5 points.

Ronde 15.

Lasker est exempt. Cela profite à Capablanca qui bat Janowki et le rejoint en tête. Alekhine se relance et bat Yates. Par contre, Réti perd gros avec les Blancs contre Marshall. Enfin Bogolioubov bat Tartacover. Lasker et Capablanca sont en tête mais Lasker doit jouer une partie de plus. Alekhine suit à 1 point et Réti à 1,5 points.

Ronde 16.

Alors qu'il est un de ses "clients" favoris, Capablanca n'a pas réussi à battre Marshall avec les Blancs. Lasker en profite et bat Réti avec les Noirs, au terme d'une partie spectaculaire. Il reprend la tête du tournoi seul. Alekhine ne peut battre le cousin Edward (Lasker). Tartacover bat Janowski et Bogolioubov l'emporte sur Yates.

1.Lasker 10,5; 2.Capablanca 10; 3.Alekhine 9; 4-5.Réti et Bogolioubov 8.

Ronde 17.

Le champion du monde cubain est exempt ; c'est la chance en or pour Lasker de le distancer et il ne la manque pas avec son gain contre l'Anglais Yates. Derrière, Réti se reprend après deux défaites et bat un des autres leaders du courant "hypermoderne" Tartacover. Il est 4e seul après qu'Alekhine et Bogolioubov aient partagé le point. Marshall et Edward Lasker ont fait nulle.

Lasker dispose d'1,5 point de crédit sur Capablanca. Les autres sont loin : Alekhine est à 2 points, Réti à 3 points.

Ronde 18.

Lasker contre Alekhine : la partie est nulle en 30 coups. Mais, à 4 rondes de la fin, elle permet à l'Allemand de se rapprocher de la victoire. Pourtant, Capablanca a fait l'effort de battre l'autre Lasker. Comme Yates bat Tartacover. Maroczy et Réti font nulle ensemble. Le public new-yorkais peut exulter après l'annonce du mat de Marshall contre Bogolioubov. L'Américain se replace, loin des premiers.

Lasker mène avec 12 points, Capablanca en a 11, Alekhine 10, Réti 9,5 et Marshall 9.

Ronde 19.

Alors que le tournoi s'approche du dénouement, les leaders décident d'accélérer. Lasker, Capablanca et Alekhine l'emportent avec les pièces noires (contre Edward Lasker, Tartacover et Janowski respectivement). Yates bat Réti qui est rattrapé par Marshall (nulle contre Maroczy).

Le statu quo est de mise entre les trois premiers (13, 12 et 11 points). Marshall rattrape Réti avec 9,5 points.

Ronde 20.

La victoire de Lasker contre Maroczy est typique des victoires qui ont fait le champion allemand : un début traité un peu négligemment, une position difficile mais où Lasker sait trouver des ressources et son adversaire qui craque. 20 ans plus tôt, un match entre les deux joueurs était sérieusement évoqué mais le projet échoua pour des questions de lieu notamment.

Capablanca peut sans doute dire adieu à la victoire quand il doit concéder la nulle à Yates. Alekhine fait de même avec Marshall. Edward Lasker bat un pauvre Réti qui aligne les séquences gagnantes et perdantes. Enfin Bogolioubov bat Janowski.

Avec 14 points et 2 rondes à jouer, Lasker mène d'1,5 point sur Capablanca. Alekhine est à 2,5 points. Marshall prend la 4e place avec 10 points (4 de moins que Lasker).§

Ronde 21.

Alekhine est exempt. Il assiste en spectateur à la partie Tartacover-Lasker. Le Polonais attaque le roque noir de Lasker ; il hésite à effectuer un double sacrifice de qualité qu'il pense gagnant (mais en fait c'est nul mais avec beaucoup de précision). Lasker défend, contre et sacrifie lui-même pour pousser ses pions et pousser Tartacover à l'abandon. Capablanca, vainqueur de Réti, ne peut que constater la victoire de son prédécesseur (comme champion du monde). Maroczy et Marshall l'emportent avec les Noirs contre Bogolioubiv et Yates. Enfin la partie Janowski-Edward Lasker mérite l'attention par son déroulement et sa position finale, qui est nulle.

Lasker avec 15 points est assuré de remporter le tournoi ; Capablanca compte 13,5 points, Alekhine est 3e avec 11,5 points devant Marshall 11. Le quatuor est déjà constitué ; reste l'ordre du classement entre Alekhine et Marshall.

Ronde 22.

Comme au tournoi de Saint-Petersbourg en 1914, Lasker affronte Marshall à la dernière ronde. Mais cette fois, la victoire est déjà acquise. Il n'empêche que l'Allemand met un point final à conclure par un succès (son 4e de suite). Capablanca remporte une jolie victoire contre Bogolioubov, Alekhine concède la nulle à Tartacover. Enfin Maroczy bat Yates et Réti termine par une victoire contre Janowski.

Le classement final

 

 La victoire d'Emmanuel Lasker rappelle le triomphe qu'il a connu 10 ans plus tôt à Saint-Petersbourg. Elle montre qu'à 55 ans, le champion allemand est toujours dans les tous meilleurs joueurs du monde. En plus, Lasker a réussi une fin de tournoi fantastique : après sa défaite contre Capablanca, il n'a concédé qu'une nulle pour 6 victoires. Capablanca, lui, subit sa première défaite comme champion du monde. Sa performance est remarquable (10 victoires, 9 nulles, 1 défaites c'est beaucoup mais moins que les 13 victoires de Lasker) ; il est battu par plus fort.

 Le podium est le même qu'à St Petersbourg en mai 1914 : Alexandre Alekhine termine troisième. Certes, le Russe a progressé mais il semble encore bien en retrait des deux premiers. Toutefois, il semble le challenger le plus crédible à Capablanca -Lasker semblant avoir renoncé à la revanche-.

Derrière, la quatrième place de Marshall est un succès pour les fans, surtout parce qu'il a eu un démarrage lent (2/6) . Le classement montre que la "vieille génération" a plutôt bien résisté à celle qui a émergé dans les années 1910 -Janowski excepté-. Bien qu'il soit bien moins actif, Maroczy réussit 50% des points, le tout en ne marquant qu'un point contre le trio des champions du monde.

Après un bon départ, Bogolioubov a alterné le bon et le moins bon comme Richard Réti. Le Tchécoslovaque n'a réussi que 3 nulles pour 9 victoires et 8 défaites. Bogolioubov, lui, c'est l'inverse.

Bien parti, comme à son habitude, Tartacover s'est essoufflé. Son jeu original et truffé de pièges n'a pas résisté à la rigueur des champions du monde et surtout de Capablanca.

Frederick Yates avait mal commencé le tournoi mais avec 7/20, il est à sa place. Edward Lasker aussi d'ailleurs. Quant à David Janowski, il n'est plus le fantastique attaquant qu'il a été dans les années 1900. Le style demeure mais la précision a clairement décliné.

 

Que s'est-il passé après ?

En 1925, Alekhine gagne le grand tournoi de Baden-Baden, en l'absence de Capablanca et Lasker. C'est son plus grand succès jusque-là. La même année, à Moscou, Lasker et Capablanca se retrouvent pour le premier tournoi international organisé par l'URSS. Mais c'est Bogolioubov qui triompha, remportant lui aussi le succès le plus grand de sa carrière. Lasker termine deuxième, Capablanca seulement troisième.

Trois ans après le tournoi de New York, en 1927, un nouveau tournoi majeur est organisé à New York. Cette fois, pas de Lasker (qui avait critiqué les organisateurs), pas de Bogolioubov, pas de Réti mais il y a bien Alekhine, Marshall, mais aussi d'autres concurrents de premier plan comme Nimzovitch, Vidmar et Spielmann. Les mauvaises langues prétendirent qu'on avait écarté ceux qui avaient battu ou devancé Capablanca en tournoi.

Capablanca triompha facilement de ce tournoi à 6 joueurs et à 4 tours. Alekhine termina loin à la deuxième place. Les négociations du futur match pour le championnat du monde entre les deux joueurs allaient se conclure...



1 commentaire:

  1. Pierrot le Fou10 avril, 2024 16:21

    Merci pour ce bel article super détaillé. Je connaissais évidemment le tournoi mais de façon aussi précise.

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