Faisons un petit point sur l'actualité ovale à quinze et à treize.
Le week-end dernier, je n'avais pas trop envie d'écrire mon article hebdomadaire. Alors je laisse de côté l'épisode précédent pour revenir à la fin du tournoi des Six Nations et parler un peu de Super rugby, de rugby à XIII et même du début du championnat d'AFL.
Voici ce qu'il fallait savoir de l'actualité ovale, mauvaise pour la Catalogne.
C'est comme ça qu'il aimait se qualifier dans une interview dans les années 1980. Boris Vassilievitch Spassky est décédé le 27 février 2025 à l'âge de 88 ans. Alors qu'on le considère comme un perdant magnifique alors qu'il a été le 10e champion du monde de l'histoire.
Boris Spassky est né à Leningrad le 30 janvier 1937. Il apprend à jouer aux échecs après son évacuation de la cité au début du siège de la ville par les Allemands en 1941.
La guerre terminée, il s'inscrit au club d'échecs du palais des Pionniers de Leningrad et il rencontre son formateur, Vladimir Zak -qui venait de découvrir un certain Victor Kortchnoi-, qui détecte en lui des capacités. Spassky progresse rapidement jusqu'à devenir un des meilleurs jeunes du pays. Il participe aux qualifications du championnat d'URSS. Son style solide et prudent s'oppose le plus souvent au style agressif des jeunes joueurs mais cela marche. En 1952, le pédagogue Zak laisse la place au grand-maître Alexandre Tolouch, qui a notamment entraîné Paul Kérès. Son style offensif et créatif déteint sur Spassky, qui évolue vers un jeu plus tourné vers l'attaque.
En janvier 1953, Spassky et Tolouch participent au tournoi de Bucarest. Tolouch remporte le plus grand succès de sa carrière mais Spassky termine 5e, avec une victoire contre Vassili Smyslov (champion du monde en 1957, 3 fois vice-champion en 1948, 1954 et 1958), récompensée d'un prix de beauté.
Spassky, à l'âge de 16 ans, entre dans la cour des grands tournois à un âge où les champions ne sont pas aussi précoces qu'aujourd'hui.
En 1955, Boris Spassky devient champion du monde junior. Il a réussi également à se qualifier pour le tournoi des candidats disputé en 1956. Il est le plus jeune participant (19 ans) et termine 3e ex-aequo derrière Smyslov et Kérès. Il est le seul à battre Smyslov (encore !). Plus tôt dans l'année, il avait terminé en tête à égalité au championnat d'URSS ; dans le tournoi de barrage à trois, il finit dernier, en perdant une partie par forfait pour cause de maladie.
Spassky est désormais inscrit dans le cercle des 6-7 meilleurs joueurs soviétiques. Mais il voit, comme tous les autres grands-maîtres apparaître une comète, de deux mois plus âgée que lui : Mikhaïl Tal. Le Letton au style agressif et sans complexe bouscule tout le monde et gagne le championnat d'URSS 1957. Celui de 1958 est crucial : il permet d'entrer dans le cycle du championnat du monde en se qualifiant pour le tournoi zonal. Spassky fait la course en tête mais il faiblit : il perd contre Kotov une partie supérieure à l'avant-dernière ronde. Puis à la dernière, il affronte Tal, qui joue le titre. Un gain le qualifie pour l'interzonal, un match nul lui assure un barrage et la défaite l'élimine. Après avoir eu une position supérieure et même gagnante, Spassky, épuisé, craque et perd. Il sort et pleure comme un enfant raconta-t-il. Cet échec résonne à l'identique trois ans plus tard au même championnat : à la dernière ronde, il ajourne une position difficile contre Leonid Stein. Il abandonne alors que Stein ne savait pas comment gagner !
Entre-temps, Spassky avait connu des hauts dans les tournois comme à Mar del Plata en 1960. A cette occasion, il rencontre le jeune Bobby Fischer, qu'il bat mais les deux partagent la victoire. Il a connu des bas comme au championnat du monde par équipes étudiants : dans le match contre les Etats-Unis, il perd contre Lombardy, entraînant celle des Soviétiques. Les autorités le sanctionnent pour un comportement peu professionnel : il est écarté des voyages à l'étranger.
Les difficultés dans les compétitions se sont ajoutées aux problèmes personnels et à la rupture avec Tolouch. Spassky choisit Igor Bondarevsky comme nouvel entraîneur. Les résultats sont immédiats : en décembre 1961, il remporte son premier titre de champion d'URSS. La dynamique est relancée.
Spassky s'affirme alors comme un des tous meilleurs joueurs soviétiques : le mélange des styles de ses entraîneurs ont fait de lui un joueur polyvalent : capable des attaques les plus audacieuses (comme la légendaire victoire contre Bronstein immortalisée dans un James Bond), mais aussi d'un jeu positionnel solide et de la capacité à exploiter le moindre avantage (à la Soviétique), il est certainement le joueur le plus complet du circuit. Il a ajouté aussi la stabilité psychologique et la volonté de vaincre, qui lui manquaient parfois.
En 1963, Spassky doit encore laisser le titre de champion d'URSS dans un barrage à trois (il termine second derrière Stein). Mais il est qualifié pour le tournoi zonal soviétique à 7 joueurs au début de 1964. Il démarre mal avec 2 défaites en 3 parties ; la guigne semble reprendre le dessus§. Mais Spassky ne lâche pas prise et remporte le tournoi. Un jour, Spassky voulut faire un trait d'humour à son entraîneur : il dit qu'il veut être champion du monde. Mais quand il vit que Bondarevsky ne riait pas, il comprit que ce n'était pas une blague.
Spassky dispute l'Interzonal d'Amsterdam. Ce tournoi est particulier pour les 5 Soviétiques qualifiés : il faut terminer dans les 6 premiers mais aussi être dans les 3 premiers Soviétiques (NDLR. Le règlement limitait le nombre de joueurs qualifiés au tournoi des candidats, les Soviétiques ne pouvaient qualifier que 3 joueurs par l'Interzonal). Malgré une défaite contre le Danois Bent Larsen en fin de tournoi, Spassky termine premier avec ce dernier et les anciens champions du monde Smyslov et Tal. Le voilà candidat pour la première fois depuis 1956.
Le cycle des candidats est composé d'une série de matchs. Spassky s'y révèle particulièrement fort, autant dans le jeu que dans la tête. Au premier tour, il affronte la légende Paul Kérès ; malgré une défaite, il reprend l'avantage et finit par l'emporter 6-4. En demi-finale, il est opposé à Efim Geller, qui vient d'écraser Smyslov : Spassky y impose un score qu'il infligera à tous ses adversaires : 3 points d'écart. En finale des candidats, c'est Tal qu'il affronte. Tal gagne en premier et Spassky égalise aussitôt. Après 8 parties (sur 12), le score est de 4-4. Spassky peut compter sur sa résistance physique (nageur puis joueur de tennis) et fait craquer l'ancien champion du monde : 7-4 au final. Spassky est challenger de Tigran Petrossian.
Spassky perd le match contre l'Arménien à l'expérience. Petrossian en a plus et est plus malin et plus solide. Il gagne brillamment les parties 7 et 10 (2-0) ; Spassky finit par revenir par deux victoires ardues (2-2 après la 19e). Mais ses réserves semblent épuisées : Petrossian l'emporte dans les parties 20 et 22 pour conserver son titre. Spassky réduit l'écart en gagnant la 23e ; le score final est de 12,5-11,5.
La défaite n'a pas abattu le challenger qui se consacre au futur cycle. Mais entretemps, il gagne sa plus grande victoire à Santa Monica à l'été 1966. Il devance Bobby Fischer et Bent Larsen sur le podium ; Petrossian, lui, finit en milieu de tableau.
Spassky obtient de bons résultats en tournois, alternant les succès et les places d'honneur mais il déserte le championnat d'URSS. Seul le tournoi du jubilé de la Révolution d'octobre est décevant mais tout le monde sent qu'il fourbit ses armes pour le prochain cycle des candidats qui aurait lieu en 1968.
Favori de celui-ci, Spassky ne déçoit pas les pronostics : contre Geller en quarts de finale, il l'emporte par le même score qu'en 1965 (5,5-2,5). Puis c'est Bent Larsen, le meilleur joueur de tournoi au monde ; le Danois n'est pas un joueur de match surtout que Spassky gagne les 3 premières parties et gagne 5,5-2,5. En finale des candidats, c'est Victor Kortchnoi qui se présente et le tarif reste le même : 6,5-3,5 et voilà la revanche de 1966.
Le match commence mal pour Spassky qui perd la partie 1. Mais le challenger retourne la situation avec deux gains dans les parties 4 et 5, puis un troisième dans la 8e. Petrossian revient à égalité en gagnant les parties 10 et 11. Légèrement malade, Spassky plie mais Petrossian le laisse récupérer. Le sprint final est gagné par le challenger : deux victoires dans les parties 17 et 19, une autre pour Petrossian dans la 20e mais une 21e partie qui revient à Spassky fait l'écart décisif. 12,5-10,5, Spassky devient champion du monde. Et pourtant les photos le montrent plutôt sérieux, si ce n'est triste.
Quarante plus tard, Spassky le reconnaît : le titre mondial est un boulet. Il joue moins même s'il est le premier champion du monde en titre à jouer un open. Mais ses performances en tournoi sont modestes. Alors qu'en face, l'ouragan américain Bobby Fischer écrase tout. Spassky lui fait peur encore : Fischer esquive la confrontation lors du match URSS-Reste du monde où Larsen s'oppose au Soviétique. A Siegen aux Olympiades, Spassky gagne une partie tendue contre l'Américain. Mais un an plus tard, Fischer a pulvérisé l'opposition.
Le match de Reykjavik, je ne l'étudierai pas en détail (en fait, je l'ai fait dans des vidéos sur mon ancienne chaîne Youtube). Spassky doit affronter toute la pression possible : celle de Fischer, devenu injouable autant qu'il est capricieux ; celle de son pays, qui lui a changé de secondant et qui lui donne une mission idéologique, alors qu'il n'est pas membre du PCUS. Spassky n'est pas en forme non plus mais, surtout, il veut jouer simplement jouer. C'est son erreur : il mène 2-0, accepte les conditions de Fischer et s'effondre en deux semaines : de deux points d'avance, il finit par en avoir 3 de retard en 8 parties. La deuxième moitié du match le voit mieux jouer mais Fischer tient avec une aisance désarmante. Spassky perd le match mais il s'est senti libéré de ce poids trop lourd pour un gentleman comme lui.
Il l'a payé. Un an d'interdiction de tournois à l'étranger mais une éclatante revanche : au championnat d'URSS 1973 (peut-être le plus relevé de tous), il s'impose devant la nouvelle étoile, Anatoli Karpov. En 1974, aux candidats, il bat l'Américain Robert Byrne avant d'affronter Karpov. Il gagne certes la première partie mais subit tout le match et s'incline 1-4 en 11 parties.
Le déclin commence et les problèmes continuent. En 1976, Spassky refuse de signer la lettre de ses collègues condamnant la défection de Victor Kortchnoi. Cependant, il rencontre une Française, d'origine russe et l'épouse ; il s'installe en France mais joue toujours pour l'URSS. Il est repêché pour le cycle des candidats. Opposé à Hort au premier tour, le match tourne à la prolongation quand Spassky est hospitalisé ; son adversaire, tchécoslovaque qui a fui vers la RFA, accepte un report et Spassky l'emporte. Puis c'est Portisch, le Hongrois qui se présente et Spassky s'impose. En finale des candidats c'est Kortchnoi. Le match a aussi ses incidents : Kortchnoi en veut plus au Soviétique qu'à Spassky et le scénario est rocambolesque. Kortchnoi mène 5-0 après 10 parties mais Spassky en gagne 4 d'affilée. Le premier l'emporte finalement 7-4.
Spassky fait encore bonne figure dans certains tournois. En 1978, il partage la première place avec Karpov à Bugojno. La même année, il est naturalisé françaisEn 1979, il gagne à Munich puis en 1980 à Baden-Baden. Cette année-là, il perd contre Portisch en quart de finale des candidats : le match est à égalité mais Portisch a gagné une partie avec les Noirs et a l'avantage du départage.
Spassky prend de l'âge et son ambition décline. Il préfère de plus en plus le tennis, qu'il partage avec le GMi Suédois Ulf Andersson. Il multiplie les nulles rapides mais si on le cherche on le trouve (n'est-ce pas Garri Kasparov ?)
Le tournoi de Linarès 1983 constitue un autre tournant. Spassky l'emporte devant Karpov et est le premier (et le seul) GMI soviétique à devancer le champion du monde dans un tournoi. Les autorités soviétiques n'apprécient guère. Spassky finit par franchir le Rubicon : en 1984, il annonce qu'il jouera désormais pour la France.
Et le résultat arrive aussitôt : à l'Olympiade 1984 à Thesssalonique, la France est 7e (meilleur résultat historique) et en 1985, elle est 4e aux championnats du monde alors que Spassky est le seul GMI français. Il dispute deux autres olympiades avec la France en 1986 et 1988 avec de bonnes places au final (en tout cas honorables). Spassky dispute même le championnat de France individuel mais il ne s'impose pas. D'ailleurs il ne parle pas français.
Il a des problèmes financiers lorsque le retour de Bobby Fischer s'annonce. En septembre 1992, le match revanche a lieu dans une Yougoslavie en pleine guerre et avec les sanctions économiques qui l'accompagnent. Si Fischer est sanctionné par les Etats-Unis, Spassky passe au travers des sanctions françaises. Fischer gagne le match 10-5 mais les sous renflouent les caisses de Spassky.
Spassky joue et perd un match contre la prodige Judit Polgar (dont la famille accueillit Fischer en 1993 et Spassky dîna avec lui). Il participe aux tournois entre les vétérans et les joueuses disputées dans les années 1990. Il se retire de la compétition définitivement en 2009 après un dernier match contre Kortchnoi (match nul 4-4). La motivation s'était estompée mais lorsqu'il voulait vraiment jouer, il était encore dangereux.
Entretemps, Spassky connaît des problèmes de santé : une première attaque en 2006, une autre en 2010. Puis en 2012, il est emmené en Russie contre l'avis de sa famille dans des conditions assez troubles. Le divorce avec sa femme finit par être prononcé après que son fils ait porté plainte pour enlèvement.
On n'a su que peu de choses de la santé de Spassky depuis 2016. Il y a quelques semaines, j'avais réalisé une vidéo sur une de ses victoires les plus célèbres, à l'occasion de son 88e anniversaire. Avec un pressentiment que c'était le bon moment pour lui rendre hommage de son vivant.
Un personnage qui se qualifiait d'ours russe, mélangeant le charme, l'élégance, l'humour (souvent à froid). Par exemple, il avait expliqué son premier divorce de la façon suivante :"Nous étions comme deux fous de couleur opposé'. Ou bien expliquant son penchant supposé pour la monarchie parce qu'il a passé sa vie à défendre son roi.
Quand on parle de Spassky, on pense à sa défaite contre Fischer, celui qui était rapidement devenu son ami. C'est profondément injuste car Spassky a eu une carrière immense, n'a pas échoué et il a été le meilleur joueur du monde à la fin des années 1960. C'est pour ça que je pense qu'il est le champion le plus sous-estimé, ou plus exactement le plus mésestimé. Et si on pouvait résumer la personnalité qu'il fut, c'est dans son choix de sa plus belle partie : il a répété plusieurs fois que sa plus belle était celle qu'il avait perdue en 1961 contre Lev Polugaïevsky.
L'ovalie est toujours la reine de cette chronique avec la reprise de la saison à XIII au niveau international (puisque l'Elite est en pleine saison de manière anonyme).
En NFL, NBA et NHL c'est la période du match des étoiles. Mais l'intérêt de ce match exhibition s'est singulièrement effondré depuis des années. Alors que faire ?
Beaucoup d'ovake ce week-end, entre le rugby et le Super Bowl, on a eu de quoi se régaler... ou pas selon les résultats !
Pour ceux qui ne le savent pas, j'appelle le Pascinations, le tournoi des 6 nations sur deux ans. Le vainqueur est celui qui marque le plus de points en cumulant les deux années (édition précédente et édition en cours) où chacun affronte les 5 autres équipes à domicile et à l'extérieur.
Faisons un petit point sur l'actualité ovale à quinze et à treize.